* Christophe Colomb, l’énigme

Publié le par 67-ciné.gi 2008











Christophe Colomb, l’énigme aventure de Manoel de Oliveira

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avec :
Ricardo Trêpa, Manoel de Oliveira, Leonor Baldaque, Maria Isabel de Oliveira, Luis Miguel Cintra, George Trêpa et Laurença Baldaque

durée : 1h15
sortie le 3 septembre 2008

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à partir du 24 septembre 2008 au cinéma


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Synopsis
Depuis les années 1940, Manuel Luciano a entrepris de découvrir la véritable identité de Christophe Colomb.
Dans ses multiples voyages entre le Portugal et les Etats-Unis, toujours accompagné de sa femme, l’autre grande passion de sa vie, il a été le témoin de nombreux changements dans le temps et dans l’espace. Aujourd’hui, il est sur le point de dévoiler le mystère qui entoure le célèbre explorateur.
Il a juste besoin de faire un dernier voyage dans la maison qui a vu naître Christophe Colomb.


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Manoel de Oliveira : « Christophe Colomb, l’Enigme n’est pas un film scientifique ou historique, ni de caractère à proprement parler biographique mais une fiction à teneur romanesque, suggérant la grandiose aventure des Grandes Découvertes. Y est introduite l’idée selon laquelle Christophe Colomb serait, en fin de compte, d’origine portugaise, né dans une petite ville de l’Alentejo, Cuba, et aurait de ce fait baptisé la plus grande île découverte par lui dans la Mer des Antilles du nom de son village natal. »

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Entretien avec Manoel de Oliveira
Mário Jorge Torres :
« Votre dernier film s’inscrit-il dans une des préoccupations du cinéma portugais, la question de l’identité portugaise qui a commencé dans votre filmographie avec Non ou la Vaine Gloire de commander ? »

Manoel de Oliveira : « Tous mes films, depuis Douro, Faina Fluvial, ont une dimension historique et Non… n’est pas différent puisqu’il n’exalte pas les exploits mais les échecs. D’une certaine façon, c’est une négation de l’identité portugaise. C’est le destin qui choisit : que Colomb soit portugais ou chinois n’est pas important. Ce qui compte, c’est l’exploit. Et l’énigme est dans la vie. Christophe Colomb, L’Enigme est une épure. Comme dans tous mes films, il y a une quête sans fin de la simplicité. Je pense beaucoup à la statue équestre de Donatello à Padoue dont on dit qu’elle mélange la simplicité grecque et le réalisme de la Renaissance. »

Mário Jorge Torres : « Mais votre cinéma est tout sauf réaliste. »

Manoel de Oliveira : « Il se veut réaliste mais il va au fond des sentiments humains et devient donc complexe, voire irréaliste. José Régio disait que nous devrions être simples et clairs, éviter d’être hermétiques. La simplicité emmène loin la pensée : l’un des rôles de l’ange, dans le film, est d’éviter la grandiloquence. Lorsque le personnage de Luís Miguel Cintra cite Fernando Pessoa, l’ange sourit et sort. L’artiste ne copie pas, tout est en lui, il souffre, ses intentions sont précises mais il ne peut pas tout expliquer sous peine d’induire le regard du spectateur. Mon souci est de ne pas pouvoir expliquer au spectateur le sens des choses. Par exemple, la scène de mariage se prolonge par la musique de l’orgue de la cathédrale de Porto jusqu’à l’Alentejo, épicentre des Grandes Découvertes qui symbolisait le mariage avec les autres nations, le chemin vers la connaissance globale ; pas seulement par la propagation de la religion mais aussi par la pérennité du genre humain. Comment pourrais-je expliquer cela ? »

Mário Jorge Torres : « Mais n’y a-t-il pas dans ce film, un peu comme dans Un Film parlé, une intention didactique et explicative qui conditionne votre interprétation et votre opinion de l’Histoire ? »

Manoel de Oliveira : « L’art exprime, il ne communique pas. Deleuze l’a dit, par exemple, à propos de Vermeer. Une des choses qu’Agustina Bessa-Luís ne comprend pas quand elle discute mes adaptations de ses travaux, est que le modèle est seulement un prétexte, que l’essentiel est le regard de l’artiste. D’un autre côté, l’Histoire est mémoire et il n’y a pas d’homme sans mémoire. Les coïncidences avec Un Film parlé viennent de ce que les deux films cherchent à vérifier un fait, avec un arrière-plan historique. »

Mário Jorge Torres : « Ce film est-il également biographique ? »

Manoel de Oliveira : « C’est un film biographique mais pas romantique ; il est romanesque. Le philosophe René Girard parlait du mensonge du romanesque et de la vérité du romantique qui recense les faits un à un. »

Mário Jorge Torres : « Avez-vous vu Porto Santo de Vicente Jorge Silva dans lequel Leonor Silveira a joué et qui aborde certains aspects du mythe de Colomb et filme sa maison ? »

Manoel de Oliveira : « J’en ai vu quelques extraits. Leonor Silveira est une actrice formidable et sousestimée qui devrait être récompensée ici et dans d’autres pays mais le Portugal n’est pas assez important. La présidence de la Communauté Européenne est un moment crucial mais le marché n’est pas bon, nous sommes moins de 10 millions, l’économie est mauvaise, diplomatiquement le pays n’est pas fort et nous manquons de moyens aériens et maritimes dans lesquels nous étions pionniers. Dans le film, je donne l’exemple de Gago Coutinho et Sacadura Cabral parce que ce n’était pas qu’une aventure mais un fait scientifique avéré. »

Mário Jorge Torres : « Comment avez-vous eu l’idée de ce film ? Etait-ce un ancien projet ? »

Manoel de Oliveira : « Non, c’est le résultat d’une série de coïncidences. Cela fait quatorze ans que je passe mes vacances à Porto Santo (j’aime énormément cette plage) qui est également la ville natale du réalisateur Jorge Brum do Canto, auteur d’un film très intéressant, A Canção da Terra (The Song of the Earth). J’ai vu la maison de Colomb, j’ai eu cette idée et puis il y a eu Gonçalves Zarco, précurseur des Grandes Découvertes. Il y a deux ans, le conseil municipal de Porto Santo m’a donné les clés de la ville et j’en ai déduit qu’ils voulaient que je réalise un film sur l’île et le sujet évident était Colomb. Dans le même temps, en 2006, trois ouvrages (je crois) sont sortis, affirmant que Colomb était portugais. Je les ai lus, mon préféré étant celui de Manuel Luciano. »


Mário Jorge Torres : « Pourquoi ? A cause du romanesque ? Et l’idée de jouer dans le film, était-ce la vôtre ? »

Manoel de Oliveira : « A cause du voyage et des puissances qui conduisaient à Porto Santo. L’idée que ma femme et moi jouions dans le film n’est pas de moi mais du producteur et du directeur de production. Sinon, il aurait fallu créer un masque vieilli et cela aurait pris du temps et aurait retardé le tournage. Parce que mon petit-fils, Ricardo Trêpa, me ressemble et que Leonor Baldaque présente un air de ressemblance avec Maria Isabel, nous avons privilégié cette solution. Au départ, je ne voulais pas le faire et nous avons un peu accepté à contre-coeur. Je n’aimais pas du tout cette idée… »

Mário Jorge Torres : « Mais vous vous rendez compte que ce choix donne au film un aspect familial, fait maison ? »

Manoel de Oliveira : « Oui, c’est un film familial. »

Mário Jorge Torres : « On voit encore plus de Trêpas et Baldaques que d’habitude… »

Manoel de Oliveira : « (rires) Exactement. Cependant, le plus difficile pour moi, était en tant que réalisateur et acteur, de contrôler le cadre et d’être à l’image. »

Mário Jorge Torres : « Ça marche et ça ajoute quelque chose : la critique ne résistera pas à l’envie de dire que ce voyage, cette enquête est comme une métaphore de l’oeuvre de Manoel de Oliveira et même d’un certain type de cinéma portugais. »

Manoel de Oliveira : « Non, je n’ai rien découvert. Lumière a créé une métaphore du cinéma mondial. Je ne suis pas une métaphore du cinéma portugais. Au mieux, je suis une métaphore de moi-même. Chaque individu a sa personnalité, ni plus ni moins. Il y a surtout des différences entre nous et c’est une bonne chose. Maria Isabel qui avait déjà chanté dans des films précédents, joue dans ce film. Ma voix est un peu rauque. Manuel Luciano da Silva, 80 ans, et sa femme sont très sympathiques et j’avais la responsabilité de jouer son rôle en me fondant sur ce qu’il avait écrit. J’ai simplement fait ce que je voulais… »

Mário Jorge Torres : « En fait, ce qui est impressionnant dans la relation entre les personnages est, par exemple, quand vous dîtes nous sommes mariés depuis 40 ans, alors que nous savons qu’en réalité Mme Isabel et vous-mêmes l’êtes depuis plus longtemps que ça… L’identification, de ce fait, devient troublante… »

Manoel de Oliveira : « Dans neuf ans, nous célèbrerons nos noces de diamant (75 ans de mariage). Je ne pense pas arriver jusque-là et c’est pour cela que je veux réaliser rapidement les films que j’ai en tête. Je n’ai plus beaucoup de temps et je ne peux réaliser qu’un film par an. Si je le pouvais, j’enchaînerais les films mais le producteur m’en empêche en me demandant de me rendre à des festivals, de donner des interviews… »

Mário Jorge Torres : « Allez-vous terminer la trilogie d’Agustina ? »

Manoel de Oliveira : « Je pense que oui. J’aimerais (parce qu’elle aimerait aussi) tourner La Ronde de Nuit. Je suis fasciné par ce tableau de Rembrandt. Je veux le réaliser mais il me faut du temps parce que j’ai deux autres projets avant. Il faudrait que je tourne au moins deux films par an. J’ai tourné quatre films consécutifs en un an et demi, ce qui prouve que c’est possible : Le Miroir magique, Belle Toujours, le film sur Gulbenkian et un court métrage de trois minutes qui a été montré à Cannes. Mais j’ai aussi besoin de temps pour écrire… »

Mário Jorge Torres : « Je ne vais plus vous garder trop longtemps. J’aimerais juste revenir à votre image dans le film. Je pense, honnêtement, que le meilleur dans le Lisbonne Story de Wim Wenders est votre interprétation de Chaplin… Dans votre film, vous continuez d’adapter le livre mais en mettant en place une sorte de miroir, une image amplifiée, comme une sorte d’auto-portrait de l’auteur, signant le film. »

Manoel de Oliveira : « Dans Lisbonne Story, j’aurais voulu brûler un bouchon pour me dessiner une moustache mais il n’y avait ni bouchon, ni canne, ni chapeau melon, c’était juste une improvisation. Je pense qu’ils avaient peur que je joue Hitler (rires). Christophe Colomb, L’Enigme est vraiment une auto-représentation parce que cette conscience et le dialogue du couple, avec l’ange témoin, ne sont pas dans le livre. Étant marié depuis de nombreuses années et connaissant les problèmes rencontrés dans une relation, je pouvais basculer du cinéma à un portrait de couple. Un film de Dreyer, Gertrud, le meilleur film que je connaisse, montre un homme déçu qui cherche l’autre côté, l’inconnu. Il n’est plus chrétien, il s’abandonne à l’amour absolu. Et l’amour absolu est la mort. »

Mário Jorge Torres : « Pour finir, revenons à votre film : l’ange n’est pas dans le livre. Quel est son rôle ? »

Manoel de Oliveira : « C’est une idée que j’ai eue et qui vient de la description de l’église à Cuba quand je recherchais des lieux de tournage, l’ange vert et rouge qui a disparu. Dans le poème de Pessoa, l’ange figure le destin et la détermination par-delà la république, la démocratie et le pouvoir du roi Jean II. Et il devient le guide de tout le film, mon empreinte, indépendamment du livre. »


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Fiche technique
Réalisateur : Manoel de Oliveira
Directrice de la photographie : Sabine Lancelin
Ingénieur du son : Henri Maikoff
Assistant réalisateur : Olivier Bouffard
Décorateur : Christian Marti
Costumière : Adelaide Maria Trêpa
Scripte : Julia Buisel
Maquilleuse : Emmanuelle Fèvre
Monteuse : Valérie Loiseleux
Mixeur : Jean-Pierre Laforce
Musique originale :  José Luis Borges Coelho
Interprétée par : Miguel Borges Coelho
Producteurs : François d’Artemare et Maria João Mayer
Producteur exécutif : Jacques Arhex
Une production : Filmes do Tejo II et Les Films de l’Après-Midi
Avec le soutien financier de : Icam/Mc, Rtp - Rádio Televisão Portuguesa, Zdf / Arte, Fundação Calouste Gulbenkian, Fundação Luso-Americana, Instituto Camões et Tobis
Distribution : Epicentre Films
Ventes internationales : Rezo Films

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de


remerciements à Yvette Trives et Denis Corréard
logos, textes & photos © www.epicentrefilms.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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